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Je n’ai pas pour projet d’évoquer certaines règles grammaticales méconnues. Si tel avait été le cas, j’aurais demandé à CAT de bien vouloir héberger cet article dans ‘’La mansarde bleue’’ rubrique : ‘’Guérir les mots blessés’’.
Mon but est tout autre : Je vais essayer de vous convaincre de l’importance de la formulation de certaines questions si l’on veut obtenir une réponse satisfaisante.
Il s’agit de toutes celles qui, pour répondre, nécessitent un effort de la personne interrogée; effort de réflexion le plus souvent, effort physique parfois.
Vous êtes confortablement installé dans un salon mais disposez d’un temps limité. ‘’Vous n’avez pas l’heure ?’’ demandez-vous à votre voisin. S’il porte une montre à son poignet, cette mauvaise formulation ne l’empêchera pas de vous donner l’heure mais, s’il n’en a pas, il risque de vous répondre : ‘’Non, je ne l’ai pas’’ puisque, inconsciemment, vous lui avez suggéré qu’en effet il peut très bien ne pas l’avoir donc, que vous vous attendez à une réponse négative.
Dites-lui plutôt : ‘’Quelle heure est-il, s’il vous plaît ?’’. ça l’incitera bien plus sûrement à se lever pour pouvoir vous informer en allant regarder une pendule surtout si vous êtes une femme, un homme plus âgé que lui ou encore un handicapé, à condition, bien entendu, que vous ayez posé votre question à quelqu’un de bien élevé…
Pas convaincu ? Mon exemple est peut-être mal choisi mais soyez sûr que, pour certaines questions, une formulation négative attire invariablement une réponse négative or, nous avons tous la mauvaise habitude de formuler nos questions négativement.
Vous avez sûrement lu des ‘’Maigret’’ le célèbre commissaire n’échappe pas à la règle : ‘’Vous n’avez rien entendu ?’’ demande-t-il au voisin d’un cambriolage avec effraction. Une mauvaise formulation sans conséquence puisque l’auteur invente à la fois les questions et les réponses ! ‘’Si si ! répond le témoin, vers vingt-deux heures j’ai entendu un bruit de verre brisé !
Je n’ai aucune relation dans la police. Les gens qui font ce métier ne m’attirent pas spécialement et j’ai toujours évité les contacts avec eux mais je serais très surpris d’apprendre qu’ils formulent leurs questions comme Maigret. Georges Simenon est un très grand auteur mais il lui manquait certains codes…
Dans la réalité, le quidam qui se voit poser une question comme la formule Maigret: ‘’Vous n’avez rien entendu ?‘’ répond immanquablement : ‘’Non non, je n’ai rien entendu !’’ Pour plusieurs raisons : 1/ Il n’est pas très sûr de ce qu’il a entendu ni de l’heure qu’il était. 2/ Si, dans le cambriolage, une personne a été blessée, il ne veut pas se voir accusé de ‘’non assistance à personne en danger’’. 3/ Il n’a pas envie de devoir aller signer une déposition au commissariat. 4/ Il préfère écourter son contact avec la police si, comme votre serviteur, il n’apprécie pas les flics. 5/ S’il s’avère que son récit ne correspond pas exactement aux faits tels que reconstitués par la police, il n’a pas envie d’encourir un procès pour faux témoignage, assorti de complicité, voire même d’être accusé du délit !
Pour toutes ces raisons qu’il ne se formule peut-être pas explicitement mais qui l’incitent à la prudence, il préfère répondre : ‘’Non je n’ai rien entendu !’’ à la question :’’Vous n’avez rien entendu ?’’ puisqu’elle lui suggérait justement une réponse négative.
Je suis persuadé qu’un vrai flic dirait : ‘’Qu’avez-vous entendu ?’’ ou, en langue parlée :’’Qu’est-ce que vous avez entendu ?’’ Formulation qui présuppose qu’il n’a pas pu ne rien entendre et non qu’il n’a probablement rien entendu. Ça change tout même si c’est imperceptible pour le commun des mortels…
La suite demain dans ‘’La ( bonne ) formulation des questions’’.