En 1963, j’ai participé à une enquête menée, exclusivement, auprès des habitants de l’îlot Saint-Blaise, un quartier du vingtième arrondissement de Paris.
Elle était réalisée par la CINAM, organisme semi-officiel, mandaté par la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS.
Mes camarades et moi devions interroger la totalité des Chefs de famille habitant ce secteur.
Objectif : recueillir tous les éléments permettant d’évaluer les indemnités à verser aux occupants en fonction du confort de leur logement.
Ceci en vue de leur expulsion.
Ce quartier devant être rasé pour faire place au béton.
Il était constitué de vieux immeubles, quelques-uns très pittoresques.
Je me rappelle l’un d’eux situé juste en face de l’église Saint-Blaise.
Il était bâti autour d’une cour intérieure avec, en son centre, un puits très ancien couvert de fleurs.
De ces logements précaires, certains locataires fortunés avaient fait des nids douillets avec cuisine aménagée et salle de bains.
D’autres étaient des taudis.
Une loi avait été votée en 1914 pour protéger les femmes dont les maris étaient partis faire la guerre et ne touchaient plus de salaire.
Elle bloquait le montant des loyers.
Pour ceux qui étaient entrés dans les lieux depuis les années dix jusqu’aux années vingt, il s’élevait à 30 francs par mois, ou 3000 centimes ou encore 2,3 Euros si vous préférez.
Cette loi était toujours en vigueur dans les années soixante.
Quand le quartier fut électrifié, à une époque lointaine, les locataires bénéficiaient déjà d’un loyer modéré.
Certains propriétaires sollicitèrent le concours financier de leurs locataires pour les faire bénéficier de cette amélioration de leurs conditions de vie.
Ceux qui ne purent ou ne voulurent pas participer aux frais d’installation restèrent à l’écart du progrès.
Je me rappelle qu’en 1963 (longtemps après l‘époque de Zola), je fus reçu, certains soirs, par des gens qui s’éclairaient à la chandelle ou à la lumière d’une lampe à pétrole.
C’étaient souvent des personnes âgées qui touchaient ce qu’on appelait à l’époque ‘’la retraite des vieux’’ à peine de quoi ne pas mourir de faim. L’équivalent de ce que percevront bientôt les
petits salaires, les précaires, les chômeurs lorsqu’ils auront atteint l’âge de la retraite s’ils continuent à élire des gens dont le projet politique est de réduire encore les revenus des plus
pauvres
Finalement le projet de ‘’rénovation’’ de l’îlot Saint Blaise fut abandonné et le quartier restât en l’état.
Je ne sais pas ce qu’il est devenu depuis mais, avec la libéralisation du prix des loyers, les pauvres gens qui l’habitaient à l’époque ou leurs enfants sont probablement devenus SDF et/ou
clients des restos du cœur.